On rentrait du cowork à Bali, après la journée de travail quand Luka m’a parlé de cette conversation qu’il avait eu avec son taxi-scooter.
Le genre de conversation qui te fait avoir un instant de réalisation. Celle à laquelle tu repenses régulièrement, et qui, même quelques mois plus tard, te donne encore des frissons.
Qui te donne envie de sauver le monde, mais qui te rappelle aussi que tu ne peux pas être partout.
Elle te rappelle un point clé : il va falloir choisir ce sur quoi tu souhaites mettre ton énergie.
Alors, voilà ce qu’il s’est passé.
Ca fait quelques semaine qu’on est arrivés à Bali.
Vers 22h, on rentre du cowork en direction de notre hostel, à Canggu. Avec Luka et Max, on prend chacun un Grab (taxi-scotter). En arrivant, Luka me dit
“Mec, je viens d’avoir une conversation de ouf avec mon Grab, ça fait froid dans le dos, mais il faut que je te raconte.
Il a notre âge, une femme et un enfant, nourrisson. Sa femme s’occupe toute la journée de l’enfant, donc il est le seul à pouvoir travailler.
Le problème, c’est que son enfant ne peut pas boire le lait de sa femme, donc ils lui achetent un lait en poudre spécial, qui coûte cher.
Comme il est le seul à pouvoir travailler, il doit se lever à 6h tous les matins, pour faire Grab de 6h à 14h, puis travailler comme jardinier dans une villa, de 14h à 18h, puis de nouveau comme chauffeur Grab de 18h à 1h. Le temps de rentrer chez lui et manger, il dort 4h par nuit.
Et comme le lait coûte cher, ça lui prend la moitié de son salaire.
Avec l’autre moitié, il paie tout le reste, dont la nourriture et le logement, donc, ils vivent à trois dans un 4 mètres carrés.
Quand il m’a déposé en arrivant, je lui ai donné tout ce qu’il me restait dans mon portefeuille.”
Entendre quelqu’un qui a si peu de chance, et qui malgré tout, se donne autant chaque jour, parce qu’il n’a pas d’autre choix, ça te remet les pieds sur terre, et ça te fait réfléchir.
La première pensée peut être que tu te sentes mal, parce que tu as une chance qu’il n’a pas.
En tout cas c’était mon cas.
Mais quand tu prends le temps et que tu prends un peu de recul, je pense aussi qu’il y a du positif à en retirer.
La situation est comme elle est et tu ne la changeras pas, en tout cas, pas là, tout de suite.
La vraie question, c’est maintenant que tu sais ça, qu’est ce que ça te fait réaliser ? qu’est-ce tu vas faire ? Qu’est ce que tu vas changer, dans ta vision, ta manière de voir et faire les choses, dans tes actions ?
De mon côté, ça m’a fait réaliser deux choses
• J’ai une chance incroyable : celle de pouvoir voyager et découvrir le monde.
Voyager, c’est changer d’environnement.
C’est découvrir des pays, des paysages et des cultures, prendre des photos et vidéos tout du long, pour toi et pour les autres. Pour avoir des souvenirs de dingues à revoir plus tard : parce que tu ne te souviens jamais de tout, mais quand tu les reverras, ces souvenirs et toutes leurs émotions vont remonter.
C’est très beau.
Mais je ne crois pas que ce soit ça le plus beau, le plus important.
Une fois passé ce côté selon moi waouh et instagrammable, voyager c’est surtout rencontrer des gens.
C’est découvrir des mentalités, des manières de penser et de vivre.
Se rendre compte que c’est parfois ceux qui selon toi ont le moins, qui partagent le plus.
En discutant, aussi bien avec des locaux qu’avec d’autres voyageurs, tu te rends compte de ce qui compte, de ce qu’est le confort, et que c’est en allant là où c’est moins confortable que tu découvres des choses qui te font vraiment réfléchir, et grandir.
C’est souvent en sacrifiant un peu de confort que t’as l’expérience la plus enrichissante, tout simplement parce que c’est le plus eloigné de ce dont t’as l’habitude.
Parfois, ça te fait aussi te sentir impuissant sur le coup.
Tu te rends compte que t’as une chance que les autres n’ont pas, et que tu ne peux pas aider tout le monde.
J’en viens donc à me deuxième réalisation.
• Cette chance que j’ai me donne aussi un devoir
Parce que j’ai la chance d’avoir la vie que j’ai, et que celui qui n’a pas cette chance se donne à fond, je dois aussi – voire encore plus – faire mon maximum.
Je dois faire mon maximum, chaque jour, pour :
• Mes relations : avec mes amis, ma famille, les gens que je rencontre et ceux que je peux aider, mais aussi ceux avec qui je travaille.
• Moi-même : physiquement et mentallement, pour me sentir bien, et essayer de m’accomplir au mieux, tant sur le plan perso que pro.
Est-ce que c’est facile ?
Pas toujours, mais il faut le faire.
Pourquoi ?
Parce que si dans ma situation je ne donne pas tout, ce serait un manque de respect par rapport au gars qui se donne à 2000% parce qu’il n’a pas le choix.
Alors, faire mon maximum, ça veut dire quoi ?
Je ne sais pas s’il y a UNE réponse, je ne crois pas, en tout cas je ne l’ai pas, mais pour moi ça veut dire plusieurs choses.
Ça veut dire sortir de chez moi, pour découvrir, rencontrer des gens, discuter et apprendre des autres, et les aider comme je peux.
Ça veut dire être vraiment là, quand je suis avec d’autres gens. Les écouter, s’intéresser, s’interroger et essayer de créer un environnement positif pour tous le monde.
Ça veut dire essayer de nouvelles choses, de nouvelles activités, pour découvrir, me découvrir, et faire du sport.
Aussi faire de mon mieux professionnellement. Trouver un domaine qui m’interresse et produire le meilleur travail possible.
Bref, évidemment, il y a beaucoup de choses, la liste est probablement infinie, mais je pense que c’est surtout un état d’esprit.
Je pense que c’est le différence entre le confort et l’opportunité.
Est-ce que je ne serais pas mieux chez moi, à regarder YouTube ? = Confort
Allez, j’ai bien dormi la nuit dernière (j’aime beaucoup dormir), go sortir, rencontrer des gens ! = Opportunité
Je suis éclaté du week-end, 2 heures sur mon tel, et après je dors. = Confort
Je suis éclaté du week-end, je dors de suite et demain je me lève pour lire ou écrire. = Opportunité
Evidemment, personne n’est parfait, et certainement pas moi, on a tous des jours meilleurs que d’autres.
Mais une fois de plus, c’est un état d’esprit.
Petit tips du quotidien : à la fin de la journée, demande toi “est-ce que je serais content de revivre la journée que je viens de passer ?”
Si la réponse n’est pas “oui !” alors qu’est ce que tu voudrais changer ?
A la fin, la seule chose que tu ne veux pas avoir, c’est des regrets.